Buenos Aires s est reveillee dans un melange de liesse et d incertitude. Dans les rues du centre, les drapeaux flottaient jusque tard dans la nuit, portés par les partisans de Javier Milei, economiste iconoclaste devenu president. Son discours liberal et provocateur a bouleverse l echiquier politique argentin. Mais au-dela du choc electoral, c est un veritable seisme economique mondial qui semble s amorcer.
Des son annonce, la Bourse de Buenos Aires a bondi de plus de vingt pour cent, un record historique. Les investisseurs ont salue la victoire d un candidat promettant de dereglementer, de liberaliser et de “redonner sa valeur au peso”. Mais cette euphorie boursiere cache une tension plus complexe : celle d un pays fatigue par la dette, l inflation et les promesses non tenues. En toile de fond, une question simple et universelle : peut-on encore reinventer un modele economique par la rupture ?
Javier Milei s est construit une image de rebel. Economiste aux idees tranchantes, critique des institutions, il incarne une generation de dirigeants qui misent sur la confrontation plutot que le compromis. Sa victoire, commente Le Monde – International, s inscrit dans un mouvement global ou la colere economique devient moteur politique. De l Europe a l Amerique latine, un meme discours resonne : moins d Etat, plus de liberte, plus de responsabilite individuelle.
Pourtant, l Argentine n est pas un pays comme les autres. Son economie fragile, ses inegalites structurelles et sa dependence au marche mondial rendent chaque reforme potentiellement explosive. Les classes moyennes, epuisees par une inflation a trois chiffres, oscillent entre espoir et apprehension. “On veut y croire,” explique Sofia, commercante a Cordoba. “Mais chaque president nous promet le changement, et a chaque fois, c est nous qui payons.” Ses mots resument une fatigue collective, celle d un peuple qui vit depuis trop longtemps entre la peur de demain et la memoire des crises passees.
Sur le plan mondial, la victoire de Milei a eu un effet immediat. Le peso s est stabilise, les obligations d Etat ont rebondi, et les places financieres ont reagit avec prudence. Pour les analystes, cette reaction illustre la soif de nouveaute dans un monde economique sature de previsions decevantes. Mais derriere les chiffres, l essentiel se joue ailleurs : dans la maniere dont une nation choisit de repenser sa relation au pouvoir, a la monnaie, et au temps.
Dans un contexte global marque par la peur de la stagnation, l Argentine devient un laboratoire a ciel ouvert. Certains y voient une chance, d autres une experience risquee. Mais pour beaucoup, cette election n est pas seulement celle d un homme, c est celle d un etat d esprit. Une volonte de rompre avec la lassitude et de tenter, encore une fois, de reinventer l espoir economique.
Cette soif de renouveau fait écho aux idees explorees dans L art du peu : pourquoi les Francais reviennent a une consommation plus sobre.
Si les contextes sont differents, le fond reste le meme : un questionnement profond sur la valeur, la simplicite et la capacite a retrouver du sens dans un monde economique devenu abstrait.
D un continent a l autre, les citoyens cherchent la meme chose : une economie qui leur ressemble.
Au-dela des courbes et des taux, il reste l humain. Dans les cafes de Buenos Aires, les conversations oscillent entre curiosite et prudence. Les journaux s empilent, les marches reprennent vie, et la ville respire un air nouveau. Qu il tienne ses promesses ou non, Milei aura au moins ravive quelque chose d essentiel : la conviction qu il est encore possible de secouer un systeme.
Et peut-etre que, quelque part, cette audace argentine donnera au monde une raison de croire que le changement, lui aussi, peut etre contagieux.
